Retour au château de Blois ; nous avons pu voir dans les articles précédents la maestria avec laquelle Louis XII a transformé une forteresse familiale en demeure moderne et royale. Toutefois, le château de Blois ne serait pas le fabuleux chef d’œuvre que nous connaissons sans l’intervention de François Ie…
Couronné en 1515, François Ie décide que ces premiers travaux de roi bâtisseur interviendront à Blois. Ce choix semble avoir été inspiré par la reine Claude, fille de Louis XII, qui avait été élevée au château et y restait très attachée. François Ie entrepris donc de nombreux travaux d’embellissement qui transformèrent profondément la physionomie du château. A partir de 1515 jusqu’en 1518, le roi fait bâtir sur les constructions médiévales adossées à l’enceinte, une aile neuve, radicalement moderne.
L’architecte de l’aile François Ie à Blois n’est pas connu, on a longtemps avancé le nom de Dominique de Cortone qui avait travaillé pour Charles VIII et Louis XII et qui fournit plus tard une maquette pour le château de Chambord. Toutefois, aucun document ne l’identifie de manière formelle comme architecte du roi à Blois. On sait cependant que ce fut le maître-maçon Jacques Sourdeau qui fit réalisé les travaux ; il est cité en 1518 comme « maître maçon de l’œuvre du chastel de Blois » avant d’être nommé à Chambord l’année suivante.
L’aile François Ie est une œuvre architecturale curieuse de bien des façons. Tout d’abord, il faut remarquer que cette aile ne répond pas à la même typologie selon que l’on la regarde du côté cour ou du coté jardin.
Côté cour, la façade présente une typologie fidèle au style médiéval : on y retrouve un logis massif, couronné par une haute toiture percée de lucarnes et desservi par une puissante tour d’escalier polygonale. Ce parti traditionnel s’explique sans doute par le fait que François Ier a remployé les fondations et même les murs d’un logis médiéval, qu’il a sans doute agrandi, surélevé, et sur lequel il a plaqué une façade nouvelle. D’autre part, il n’est pas impossible que le roi ait tenu à uniformiser les façades sur cour, de manière à ce que l’ensemble des bâtiments neufs et anciens reste agréable pour l’œil.
Les innovations vont donc se concentrées sur le décor de l’escalier et de la façade. L’ornementation est clairement d’inspiration italienne et caractéristique de la première Renaissance française : la façade est quadrillée d’un réseau de moulures horizontales et de pilastres (colonnes plates adossées au mur) encadrant les fenêtres. Le sommet du mur est couronné par une corniche massive (où des coquilles à l’antique voisinent avec des gargouilles d’aspect très médiéval) sur laquelle court une balustrade sculptée. Cette horizontalité rompt l’élan vertical conférée par les lucarnes, très hautes et sommées d’édicules à frontons dont les niches abritent des statues de putti (enfants nus d’inspiration antique).
Façade et escaliers sont animés par la multiplication des emblèmes royaux, salamandres couronnées de François Ier et monogramme F et C du roi et de la reine. Nul souci de symétrie dans cette composition : les ouvertures sont percées selon les besoins de la distribution intérieure ; mais cette dissymétrie est accentuée par la destruction du quart ouest (à gauche) de l’aile, opérée au XVIIe siècle par Gaston d’Orléans : à l’origine, l’escalier occupait le centre de la façade.
Autre curiosité, l’escalier à vis (hors œuvre), de plan polygonal, offre un contraste saisissant entre la massivité des puissants contreforts qui l’épaulent et la légèreté que lui confèrent les baies largement ouvertes en forme de loggias qui jalonnent la montée. Ces balcons participent d’une nouvelle mise en scène de la vie de cour, à la fois pour voir et être vu : ils permettaient aux courtisans, tantôt de voir depuis la cour le roi circuler dans l’escalier et tantôt de contempler depuis les balcons les festivités organisées dans la cour.
Côté jardins, aujourd’hui côté rue, s’élève la façade des Loges. Celle-ci tire son nom des nombreux balcons qui s’ouvrent sur les salles. L’élévation s’inspire de la façade des loges édifiée par Bramante au palais du Vatican (cour Saint-Damase) et revendique ainsi un modèle italien. Elle comporte deux étages de loggias surmontés d’une galerie ouverte. Toutefois, il s’agit à Rome de véritables galeries de circulation alors que les loges de Blois sont des balcons sans communication entre eux. L’horizontalité empruntée à l’Italie est accentuée par l’aménagement d’un niveau d’attique, véritable galerie courant sous le toit, seulement scandée par des colonnes. En revanche, la haute lucarne centrale chargée de la salamandre royale reste très française. Aux étages inférieurs, les parapets des loges sont ornés des emblèmes du roi, de sa mère Louise de Savoie et de son épouse Claude. Sur les échauguettes, dont l’une abrite un oratoire, des reliefs illustrent les travaux d’Hercule. François Ie avait en effet adopté le héros comme représentation de lui-même.
L’aménagement intérieur de l’aile François Ier a été partiellement dicté par le choix de construire le nouvel édifice de part et d’autre du mur d’enceinte médiéval. Les salles côté cour occupent l’emprise d’un logis antérieur, alors que les galeries et les « chambres » qui ouvrent sur les loges ont été construites à l’extérieur du rempart. Le décor intérieur des appartements royaux, qui occupent le premier et le deuxième étage, a été entièrement recréé par Félix Duban au XIXe siècle. Néanmoins, dans la salle du roi, subsistent deux cheminées ornées et une porte dont le décor sculpté est pour une large part d’origine. En outre, le cabinet dit de la Reine, qui s’avère être en réalité le cabinet ou studiolo (lieu d’étude) de François Ier aménagé pour le roi dès la construction du bâtiment, conserve ses boiseries sculptées de candélabres peints et dorés, qui en font le seul cabinet royal de la Renaissance conservé en France.
Mais l’œuvre de François Ie à Blois ne se borne pas à l’ajout d’une nouvelle aile. Le roi a en effet pour projet de relier le château et le jardin par une galerie de plaisir. Ce sera la galerie des cerfs. La Galerie des Cerf s’ouvrait à l’angle de l’aile François Ie , où se trouve aujourd’hui l’angle nord-est de l’aile Gaston D’Orléans. Elle prenait appui sur l’ancienne enceinte médiévale, traversait le fossé et aboutissait au jardin par un pont-levis qui permettait, au besoin d’isoler la galerie. La galerie des Cerfs tire son nom, des nombreux bas-reliefs représentant l’animal qui avaient été utilisés lors de la construction de la galerie. Cette galerie permettait d’accéder facilement au jardin par un espace spécialement conçu dans ce but. Architecture et jardin sont ici devenus des éléments complémentaires…
L’aile François Ie devait par la suite être mutilée lors de la campagne de construction de Gaston d’Orléans sur laquelle nous reviendrons dans notre prochaine article afin de terminer notre étude de l’architecture du fabuleux châteaux royal de Blois…