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A la découverte des châteaux de la Loire: histoire, architecture et jardin

A la découverte des châteaux de la Loire: histoire, architecture et jardin

Passionnée des châteaux de la Loire et de la Renaissance, j'ai décidé de vous raconter leur histoire, de vous en faire découvrir les méandres et pourquoi pas de vous donner aussi goût à un art moins connu de cette époque: l'art des jardins... Attachez vos ceintures nous remontons dans le temps :)


Le jardin italien de la Renaissance : caractéristiques et compositions (partie 1 : les éléments structurels)

Publié par Diane sur 26 Novembre 2012, 15:35pm

Catégories : #jardins

Ainsi que nous l’avons vu dans notre précédent article, le jardin à la Renaissance connaît de nombreuses évolutions en particulier en Italie. Afin de mieux appréhender l’impact que ce type de jardin aura sur le jardin français au XVIe siècle, il convient d’en définir les caractéristiques…

C'est au niveu structurel que le jardin de la Renaissance se démarque tout d'abord de son prédecesseur. En effet, le jardin du Moyen Age était composé d’un espace clos et plan, sans animation ni variété. A l’inverse, durant la Renaissance en Italie, les architectes de jardin vont rechercher cette animation en choisissant de priser d’avantage les terrains de pentes accidentés permettant les jeux de vues. Pour ce faire, ils s’appuient sur un élément déjà présent dans le payasge rural du XVe siècle italien : la terrasse.

Dans les premières villas, le jardin était encore disposé en une suite de paliers qui s’adaptaient le plus discrètement possible à la pente. Plus tard, on découvrit les possibilités esthétiques des aménagements de terrains. Côté jardin, les villas furent précédées d’une large terrasse, et le jardin lui-même fut organisé en de grands paliers, dont le plus bas était porté par un haut mur de soutènement qui tranchait nettement sur le paysage environnant .

Ces terrassements devenaient de véritables constructions qui n’étaient pas sans rappeler les célèbres jardins de la légendaire Sémiramis. De tels jardins en terrasses furent d’ailleurs appelés par analogie « giardini pensili » (jardins suspendus). Le jardin ainsi surélevé par rapport au sol naturel, se trouvait placé dans un nouveau contexte spatial, il était encore bien séparé de l’extérieur par des murs et des haies, mais il n’était plus coupé du monde comme l’était le jardin médiéval. Libéré de ces murs de clôture, le jardin renaissant peut ainsi s’agrandir jusqu’à se fondre avec son environnement naturel. On fera par ailleurs un jeu de cette opposition entre la nature ordonnée et la nature sauvage comme dans les jardins de la villa Lante (Bagnaia, Italie) dans lequel le visiteur peut tout à la fois visiter le jardin de haut en bas ou de bas en haut choisissant de commencer par l’ordre puis le chaos ou inversement , de la fontaine des Maures à celle du Déluge(bas en haut).

De chaque terrasse, le regard embrassait le jardin de la Renaissance italienne, puis il allait se perdre dans le lointain du paysage. On assiste ainsi, à la multiplication des points de vue et panoramas offerts aux visiteurs. Cette variété de points de vue introduit le concept d’animation du jardin de la Renaissance par opposition au statisme et la régularité qui faisait la principale caractéristique du jardin médiéval.

Le principe d’animation devient rapidement l’un des fondements du jardin de la Renaissance. Aussi afin de permettre d’animer les longues successions de terrasses superposées dans les jardins de fortes pentes eut-on l’idée d’en aménager l’accès afin de pouvoir diriger le regard du spectateur. La solution fut apportée par Donato Bramante(1444- 1514) qui eu l’idée d’un moyen stylistique simple pour résoudre les problèmes soulevés par l’aménagement du jardin de forte pente : l’escalier monumental. En effet, afin de régulariser la composition de la Cour du Belvédère (dont nous avons déjà parler dans notre précédent article), Bramante envisagea de créer une succession de larges terrasses qui nécessitaient un élément de relation approprié scéniquement parlant. Bramante résolu le problème en intégrant à ce jardin d’un genre nouveau un élément qui jusque là avait été réservé à l’architecture : l’escalier monumental. Au Belvédère, Bramante met en place deux escaliers. Le premier large et rectiligne donne à la composition sa ligne directrice. Le second, divisé en deux rampes symétriques divergentes, anime la composition et permet d’estomper les imperfections du terrain, puisque rappelons-le le Palais pontifical et la villa du belvédère ne se trouvaient pas l’un en face de l’autre ; la composition perspective aurait donc été faussée si Bramante n’avait eu le génie de rediriger le regard du spectateur par cet élément de mise en scène.

Il faut ajouter que l’escalier, aisément perçu, permet à l’œil d’être entraîné vers diverses perspectives. Par l’adjonction d’un escalier, l’axe perd sa rigidité tout en restant ligne directrice et permet de briser la régularité de la composition tout en lui conférant une animation.

L’évolution du motif de l’escalier dénote aussi un changement dans la conception des jardins. En effet, si les premiers jardins de la Renaissance étaient des lieux de contemplation sereine, les jardins de la fin de la Renaissance devinrent le cadre prestigieux destiné à accueillir les festivités et divertissements apanages de la société fortunée de l’époque.

Autre élément de structuration du jardin et non des moindres: le parterre. Parmi les éléments constituant les jardins de la Renaissance, c’est le parterre (composition géométrique de plates-bandes généralement cernées de buis) qui répond le plus à des critères formels décoratifs. Ces arrangements sont si frappants qu’on les considère volontiers, dès le premier coup d’œil, comme la principale caractéristique du jardin italien.

Le mot « parterre » ne fut employé qu’à partir du XVIIIème siècle pour désigner le jeu complexe des savantes plates-bandes des jardins « à la française », mais aujourd’hui il est couramment utilisé pour décrire les parties analogues du jardin de la Renaissance.

Dans sa forme la plus fréquente, le parterre est divisé en quatre compartiments égaux et comporte en son centre une fontaine, un bassin ou même un pavillon. Cette disposition est à la base même du principe du jardin, et on le retrouve aussi bien dans les abbayes du moyen Age que dans les villas à péristyle de la Rome antique. A la Renaissance, le cadre s’élargi, la forme s’affine, les plates-bandes sont plusieurs fois répétées, les buissons sont taillés en formes géométriques (sphères, cônes, parallélèpipède,…) pour créer un savant relief de verdure.

Parfaitement conscients du charme que revêtaient ces compositions vues de haut, les propriétaires de villas firent également une terrasse dans la partie attenante du jardin pour jouir du spectacle qu’offraient les parterres. Pourtant, cet ornement n’était pas conçu uniquement pour qu’on en admire d’en haut le graphisme, il témoignait aussi d’une grande richesse plastique que l’on ne découvrait qu’en pénétrant dans cette partie même du jardin.

Autre variante du parterre que l’on doit également à la Renaissance, le parterre d’eau fut introduit pour la première fois par l’architecte Giacomo Barozzi da Vignola dit Vignole (1507-1573) qui en décora la villa Lante à Bagnaïa. Des bassins aux formes géométriques viennent ici s’intégrer au cœur des plates-bandes bordées de buis et participent au schéma général du parterre. Apparaissant comme des miroirs étincelants, qui contrastent avec le vert sombre des buis, ils enrichissent la composition d’ensemble d’une manière saisissante.

Parmi les formes de parterres, il faut peut-être également mentionner le labyrinthe. Ce motif connaîtra en France, un développement particulier et ce notamment sur les terrasses du jardin de Montargis (réalisé par Jacques Androuet du Cerceau en 1561 pour Renée de France, veuve de Hercule II d’Este).

En revanche, on ne sait pas exactement quand et où le motif est apparu pour la première fois. Il est absent des peintures des villas médicéennes de Giusto Utens, toutefois le motif semble apparaître dans le Songe de Poliphile de Colonna avec le « dédale » de Circeo. Les premières représentations précises de labyrinthes apparaissent à la fin du XVIème siècle avec les jardins de la villa d’Este notamment (réalisée par Piro Ligorio vers 1550 pour le cardinal Hippolyte d’Este) dans les gravures d’Etienne Du Pérac. Nous remarquerons à cette occasion que le développement du motif du labyrinthe dans le jardin de Montargis ne semble pas étonnant étant donné que les commanditaires appartiennent à la même famille (puisque Hercule II d’Este, défunt mari, de Renée de France était le frère du cardinal d’Este. Il est donc évident que Renée de France avait connaissance des créations réalisées dans la propriété de son beau-frère et partant que Jacques Androuet du Cerceau en ait eu lui-même connaissance en tant que l’architecte de Renée de France.

Allusion évidente à la mythologie de l’Antiquité, le labyrinthe du jardin de la Renaissance représente la concrétisation d’un mythe, celui des errances de l’esprit avant d’accéder à la Connaissance. Ainsi, ce motif devint une partie essentielle du jardin dans laquelle tout d’abord on médite puis on se promène et enfin on s’amuse.

Autre élément caractéristique des premiers jardins de la Renaissance italienne : la pergola. La pergola est un élément précieux de l’architecture des « jardins italiens ». On le trouve déjà dans l’œuvre de Boccace et aussi dans le Songe de Poliphile, où elle recouvre d’une voûte de verdure tout le réseau de chemins ; donnant ainsi lieu à des jeux de volumes nouvellement introduits dans le jardin. Les pergolas définissent à la fois un espace extérieur et un volume intérieur, protégé mais aéré et bénéficiant d’une ombre agréable et fraîche. Suivant la saison, il est en outre empli de l’intense parfum des fleurs ou orné de fruits mûrs.

L’utilisation de la pergola dans l’établissement d’un jardin est attesté dès l’Antiquité. Il semble que le motif de la pergola se soit maintenu sans interruption au Moyen Age. Gravures sur bois, miniatures et peintures nous apprennent que les voûtes de verdure et les petites charmilles de vignes et de roses se rencontraient couramment. Pourtant ce n’est qu’à la Renaissance que la pergola acquit pleinement son rôle d’élément architectonique. Peintures et gravures historiques nous montrent toutes les variantes possibles et imaginables. C’est notamment le cas dans la lunette de Giusto Utens représentant la villa Petraia (reconstruit en 1591 peut-être par Bernardo Buontalenti pour Ferdinand de Médicis). La gravure de la villa d’Este, réalisée en 1573 par Etienne Dupérac nous en donne une forme encore plus élaborée: sur la terrasse inférieure du jardin, la pergola, dont les deux axes dessinent une croix, est couronnée en son centre par une coupole. A part les ouvertures en pierre qui permettent de pénétrer dans ce passage voûté, tous les éléments de cette construction sont faits de treillis de bois léger.

Ce motif créateur de volumes, sera abondamment repris dans les jardins de terrasses français et ce dès la construction des jardins du château de Blois.

La structure du jardin Renaissance étant maintenant établie, intéressons nous à son répertoire décoratif...

Le jardin italien de la Renaissance : caractéristiques et compositions (partie 1 : les éléments structurels)Le jardin italien de la Renaissance : caractéristiques et compositions (partie 1 : les éléments structurels)
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J
Cet article richement documenté m'a passionnée. Il aide à bien comprendre le cheminement intellectuel à l'origine de la conception des jardins de la renaissance italienne. Je viens de visiter le jardin de Sainte Clothilde sur la Costa Brava et cela m'a éclairé sur de nombreux points. Merci Diane pour ce partage.<br /> <br /> Florence
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J
Cet article richement documenté m'a passionnée. Il aide à bien comprendre le cheminement intellectuel à l'origine de la conception des jardins de la renaissance italienne. Je viens de visiter le jardin de Sainte Clothilde sur la Costa Brava et cela m'a éclairé sur de nombreux points. Merci Diane pour ce partage.<br /> Florence
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M
This is looking really nice. The one thing common about all such places is that they are so huge in area and very much gaudy in appearance too. And the most funny part is that they are so huge and mostly only occupied with 7-10 people only. Thanks for the post.
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D
In fact Renaissance garden, in Italy in particular, are mostly visited. Very often the Italian villas or the REnaissance castles welcomed brilliant court. Gardens were actually create for a person but they received many visitors (ambassadors, cardinals, aristocratie members, etc.) and served as showcase of the power of the owner.
J
les jardins que servent de modèle au jardins renaissants italiens ne sont pas sans animation ni variété, au contraire les jardins renaissants peuvent être regardés comme des avatars des ultimes jardins antiques que sont les jardins arabo-andalous, tout ce qui est décrit ici existe déjà (sauf la référence à l'antiquité) en plein moyen age à la Medina Al Zahra, de Cordoue, elle même copie des jardins du moyen orient. Autrement dit le jardin renaissant est dans la droite ligne de la tradition perse revue par les greco-romains
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J
le grand changement entre le moyen age méditerranéen et ce qui va se passer au nord de l'Italie c'est le théatre, la scénographie et ce qui va avec la perspective. Tes photos sont significatives : le jardin est vu de haut, vu en fuite. Comme on ne le voit jamais, le jardin avec la renaissance du nord de l'Italie se transforme, il n'est plus un lieu à vivre, il est un décor
D
JP, en effet, le jardin arabo-musulman et l'ensemble de ces techniques hydrauliques ont joué un rôle majeur dans le développement du jardin renaissant. Cependant, mon but ici était de faire comprendre à quoi ressemblait le jardin de la Renaissance, je ne pouvais donc en développer toute les sources en deux articles. Mais tu as raison il serait intéressant que je complète ses articles sur le jardin renaissant par deux articles sur le jardin musulman et peut-être aussi Andaloue; et bien sûr le jardin antique qui a servi de base essentielle au jardin du moyen âge au jardin classique. Je tâcherai de m'y consacrer dès que j'aurai du temps afin de clarifier les choses.

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