Dans notre précédent article, nous vous avons plongé dans l’histoire d’Azay-le-Rideau. Aujourd’hui, je vous propose de partir à la découverte de l’architecture de ce château tout à fait particulier…
Lorsque Gilles Berthelot acquiert la châtellenie d’Azay-le-Rideau au début du XVIe siècle, le château est composé d’une forteresse médiévale, précédée d’une basse-cour, renforcée par la ceinture de deux boulevard d’artillerie et de fausses-braies.
C’est un complexe ancien, puisque la première forteresse date du XIe siècle, ce qui fait qu’en acquérant cette forteresse Gilles Berthelot, riche membre de la bourgeoisie locale s’introduit dans la noblesse d’épée.
Toutefois, en ces temps où le château tend à devenir une demeure de plaisance plutôt qu’un lieu de défense du seigneur ; la vieille forteresse ne semble plus adaptée aux besoins du nouveau propriétaire.
Tenant néanmoins compte du fait que sa nouvelle seigneurie reste un point stratégique pour la défense du royaume (la guerre de Cent ans venait de le démontrer), Gilles Berthelot entreprendra tout d’abord d’améliorer la ceinture défensive du lieu, tout en entreprenant des travaux d’embellissement du château.
Azay-le-Rideau se construit donc sur la typologie de la maison-forte, car le château ne pouvait être entièrement dédié au plaisir sans ouvrir une brèche dans la défense du royaume et faillir au devoir de féodalité que Gilles Berthelot avait envers le roi.
Ainsi, le projet original ne prévoyait-il qu’un programme de rénovation extrêmement limité et qui ne concernait que le remplacement de quelques murailles et bâtiments secondaires par deux grands corps de logis disposés en équerre le long des faces sud et est de la forteresse.
Il était alors prévu de préserver intégralement les deux autres faces de la forteresse ainsi que tout leur appareil défensif, les murailles et les deux grosses tours (ce dispositif disparut progressivement vraisemblablement autour du XVIIe ou XVIIIe siècle).
Le projet maintenait également les « fausses-brayes » autour de l’îlot entre la forteresse et les ponts d’Azay, ainsi qu’une enceinte fortifiée enveloppant la basse-cour.
Gilles Berthelot entreprend toutefois de creuser une nouvelle douve baignant le pied de sa nouvelle façade.
L’architecte des bâtiments crées par Gilles Berthelot n’est pas connu bien que plusieurs noms aient été avancés : Estienne Rocher (architecte résidant à Azay-le-Rideau et qui avait travaillé pour Berthelot pour l’agrandissement de l’église paroissiale), Denis Guillouet, de Paris, maître maçon qui fut largement rémunéré par Philippe Lesbahy pour un travail inconnu…
En tout état de cause, il apparaît aux vues des documents qui nous sont parvenus que Gilles Berthelot et Philippe Lesbahy ont exprimés des particuliers au maître d’œuvre : édifier deux logis avec tout un appareil défensif (casemates en sous-sol, mâchicoulis sous la toiture) ; mais aussi un intérieur confortable comprenant un escalier d’honneur richement orné, une chapelle, une grande salle de réception, une salle basse pour les dîners plus modeste, un logement d’apparat, quelques chambre et une cuisine aves dépendance et caves.
Les logis devaient être bâtis, semble-t-il, selon les principes alors traditionnels en France, mais le décor lui devait s’inspirer du nouveau répertoire ornemental italien.
Attentif aux ordres de ces clients, le maître d’œuvre avait dessiné deux bâtiments simples : l’un regroupant essentiellement les pièces de prestige (corps de logis principal) et l’autre une aile en retour destinée au logement seigneurial, aux enfants et au service.
Le corps de logis présentait alors sa façade principal en vis-à-vis du châtelet d’entrée, alors que sa face arrière plongerait directement dans l’Indre. Ce logis devait être divisé en deux parties égales, de part et d’autre de l’escalier d’honneur qui occuperait le centre. Dans la partie gauche au sous-sol, on aménagerait deux casemates. Le Rez-de-chaussée au-dessus serait affecté à la chapelle (contigüe à l’escalier), ainsi qu’à la salle basse (à l’extrémité du logis). Dans la partie droite, toujours au rez-de-chaussée, seraient la grande cuisine et le garde-manger.
L’étage serait partagé entre le logement d’apparat et la salle des festins. Au second étage, sous le comble du côté de la cours, on disposerait de quelques chambres pour les hôtes de passage ; de l’autre côté serait un chemin de ronde en aplomb de la rivière.
L’aile en retour s’élèverait entre la cour et le jardin (dont nous parlerons plus longuement dans un autre article). En sous-sol, seraient deux caves. Au rez-de-chaussée, on établirait deux logements de service. Ces deux logements devaient être séparés par une galerie transversale reliant la cour au jardin (qui existe toujours bien qu’elle ait été close et que le plancher ait été surélevé).
Occupant tout l’étage, le logement seigneurial se composerait d’une petite salle, d’une chambre et de deux gardes robes.
C’est sur ce modèle que fut construit le château actuel. Bien qu’on ait longtemps prétendu que le château ait été inachevé en raison de l’absence d’une seconde aile en retour (qui aurait ajouté de la symétrie à l’ensemble), il est évident qu’une telle aile n’a jamais été prévue puisque lorsque ces nouveaux bâtiments furent construits, il ne faut pas oublier que ce côté de la cour était occupé par la forteresse médiévale.
Le château aurait dû répondre à une symétrie parfaite car il apparaît que la construction entière devait suivre un dessin par quadrillage appelé « graticulage ». Ce qui signifie que la construction était réglé sur un module préétabli qui devait se répéter sur chaque partie du château. Toutefois, les modifications successives de l’escalier d’honneur agrandissement, modification du système de montée (d’abord en vis puis avec un système rampe sur rampe) eurent des conséquences désastreuses sur la symétrie des façades qui donnent au château actuel les légères dissymétries affichées par les façades actuelles. Il faut ajouter ici que l’escalier tel que l’on le voit aujourd’hui était vitré à la Renaissance.
Ce projet était donc grandiose, toutefois, Gilles Berthelot ne put le mener à son terme. En effet, 1524 les travaux furent interrompus en raison des accusations de malversations dont Gilles Berthelot fit l’objet.
A cette époque, seule l’aile droite, la cuisine et le garde manger étaient entièrement terminés, habités et meublés. Le corps de logis quant à lui, ressemblait à une carcasse vide. Seuls les murs étaient construits, les vitrages manquaient et aucun plancher n’avait été posé. L’escalier n’était par ailleurs pas terminé et la chapelle restait à ciel ouvert.
Le reste des constructions fut achevé par la petite-fille du propriétaire suivant Antoine Raffin, car le château ne sera pas habité avant 1547.
Au XIXe siècle, on ajouta une tourelle sur la façade sur cours et on transforma profondément l’intérieur du château. Le vieux donjon médiéval est rasé pour être remplacé par une tourelle plus dans la goût renaissance. Le terre-plein est élargi du côté dominant la rivière au sud, créant ainsi une grande terrasse desservie depuis le salon par un perron, qui furent supprimés lors de la restauration du xxe siècle.
Dès 1840, le château est inscrit sur la liste des Monuments Historiques, mais en 1845, les derniers vestiges médiévaux sont démolis pour laisser place à deux nouvelles tours d'angle sur cour.
Les jardins actuels datent du XIXe siècle, leur forme à la Renaissance nous est connue, ces travaux en ont profondément modifié la physionomie, c'est pourquoi, nous leur consacrerons un article prochainement...