Reprenons notre voyage dans le temps, aujourd’hui nous nous arrêtons une nouvelle fois à la Renaissance et nous partons visiter les jardins d’Azay-le-Rideau…
Petit retour en arrière : à la fin de l’année 1512, un bourgeois de la région tourangelle, Gilles Berthelot acquiert la propriété du domaine d’Azay-le-Rideau. Il entreprend de reconstituer le fief et de recréer la châtellenie, s’insinuant ainsi tacitement dans la noblesse d’épée. Cette ascension sociale fulgurante, Gilles Berthelot et son épouse Philippe Lesbahy veulent la manifester ; ils entreprennent donc des travaux colossaux pour la rénovation du château d’Azay (que nous avons abordé dans notre article précédent), mais ils travaillent également à la rénovation de son jardin.
En effet, lorsque Gilles Berthelot prend possession du domaine d’Azay-le-Rideau, un jardin médiéval existe déjà dans la partie ouest de l’îlot sur lequel la forteresse est située. On sait peu de choses à propos de ce jardin, sinon qu’il s’agissait vraisemblablement d’un potager qui était précédé d’un bassin qui servait de vivier à poisson.
Lorsque débutent les travaux de rénovation du château, le projet comprend déjà un aménagement propre à mettre en valeur le jardin : à l’intérieur du logis ouest, on prévoit de construire une galerie transversale qui partira de la cour d’honneur, traversera le logis pour finir de l’autre côté du logis vers un pont-levis donnant accès au futur jardin. Les restes de cette galerie existent toujours bien qu’elle ne donne plus accès à rien aujourd’hui. En effet, le sol a été surhaussé et les portes des deux côtés n’existent donc plus, mais on peut encore deviner l’accès antérieur grâce aux baies vitrées qui ont remplacés les portes. En outre, la création du lac artificielle autour du château a nécessité de faire disparaître l’accès à l’ancien jardin (nous reviendrons dans un autre article sur les transformations qui ont profondément modifié le visage du jardin d’Azay-le-Rideau).
Pour ce qui est du jardin lui-même, il sera décidé de créer une seconde île artificielle. L’ancien vivier est agrandi de manière à servir de douve baignant le pied du logis ouest. L’accès au jardin étant assuré par un système de pont levis en bois.
En ce qui concerne, l’architecture générale de l’ensemble, il convient de rappeler qu’à la Renaissance le château d’Azay-le-Rideau est encore maillon important de la chaîne de défense tourangelle et que de ce fait le château devait resté fortifié ce qui explique que l’architecture du jardin, directement mitoyen au château soit si marqué par le répertoire militaire…
Le jardin d’Azay-le-Rideau (qui rappelons-le date du Moyen Age) est fondé sur une architecture en bastion. Constitué par un talus de terre appuyé sur le mur intérieur d’un fossé (ici remplacé par une douve et les bras naturels de l’Indre), le talus va constitué une plate-forme surélevée, fortement maçonnée sur sa base où sera disposé le plus gros de l'artillerie de la place-forte. L’ensemble sera entouré d’un mur bas, la fausse braie, qui servira de boulevard pour la petite artillerie.
Cette architecture devait donner au jardin d’Azay un cadre assez rigide qui ne pourrait être modifié en raison du statut féodal même du domaine d’Azay. Les travaux de rénovations dans le jardin ne pouvait donc être entrepris que dans le contenu du jardin. Or la composition exacte du jardin de la Renaissance ne nous est pas connue. Cependant, les documents qui nous sont parvenus nous donnent une liste des éléments présents dans le jardin ce qui nous permet de nous en faire une idée. C’est ce que je vais tenter de vous transmettre.
Tout d’abord, le jardin ne repose pas sur une plate-forme rectangulaire (comme on a pu le voir à Amboise par exemple). Suivant le tracé de l’îlot sur lequel il a été installé, le jardin est constitué par un polygone irrégulier à cinq faces. Chaque face du polygone est renforcée par le système de fausse-braie. Le jardin est constitué d’une successions de parterres relativement larges (si l’on s’en réfère à la mode du jardin de l’époque) de forme la plus régulière possible jusqu’au bout de la plate-forme où l’on peut imaginer que l’architecte a pris plus de liberté sur les formes des derniers parterres afin de suivre la plate-forme et d’éviter de laisser des vides.
La composition des parterres suit la typologie de son temps ; le buis sert de cadre au dessin des parterres et le remplissage des dessins est assuré par différentes catégories de végétaux parfois mêlés : plantes colorées et surtout odorantes (plantes d’agréments), plantes médicinales et aromatiques (qui pourront servir au bien être des propriétaires et au service de leur table) et fruits légumes qui pourront être consommés (de type fraisiers ou melons pour les fruits et poireaux ou choux pour les légumes).
Il est également possible que le jardin ait accueilli quelques arbres fruitiers qui auraient marqués les angles des parterres et soulignés les allées.
Chaque parterre est séparé de son voisin par un système d’allées droites toutes perpendiculaires les unes aux autres ; et c’est là que le système de fausse braie pourra se révéler intéressant du point de vue de la déambulation dans le jardin en période de paix. En effet, le système de fausse braie permet de conserver de larges boulevards de circulations tout autour du jardin permettant au visiteur de pouvoir profiter tout à la fois de la splendeur des parterres qu’il peut apprécier de loin sans être obligé de circuler au milieu des parterres ; mais aussi de profiter d’un point de vue imprenable sur la rivière qui s’écoule autour du jardin. Il n’est d’ailleurs pas impossible que le jardin ait été inspiré de la typologie biblique du jardin d’Eden baigné par ses fleuves…
L’état actuel de mes connaissances ne me permet pas d’affirmer qu’il y ait eu à Azay-le-Rideau une autre source d’eau dans le jardin que le bassin à poisson.
Bientôt jugé insuffisant en terme de ressource, le jardin seigneurial fut bientôt complété par trois jardins prenant place autour de la grand route menant au bourg d’Azay-le-Rideau et qui vraisemblablement servir d’avantage à la culture qu’à l’agrément.
Nous ne savons pas exactement quand le jardin de la Renaissance disparu mais l’histoire d’Azay peut nous permettre d’imaginer que ces jardins étaient probablement déjà ruiné à la fin du XVIe siècle. En effet, la longue procédure qui opposa Philippe Lesbahy à Antoine Raffin après la saisie du domaine par François Ie, laisse présager que l’épouse de Gilles Berthelot (alors en exil) n’avait pas les moyens d’entretenir le jardin. D’autre part, le peu d’intérêt qu’Antoine Raffin, son épouse et ses héritiers directs semblent avoir manifesté au château nous oriente vers un abandon total du jardin.
Le jardin actuel s’inspire du jardin à l’anglaise dont la vogue en France remonte à la fin du XVIIIe siècle, nous verrons dans notre prochain article comment la transformation du jardin d’Azay eut un impact majeur sur le visage du château actuel…